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Saint-Gilles, 21 août 2016- Ivan Fandino, Paco Urena, Thomas Joubert/ Mollalta

par Août 25, 2016Corrida 2016

A Patricia, une première corrida…

Une belle arène du Midi : des pampilles de soleil au feuillage des platanes ; deux toros blancs (jabonero) inattendus, comme sortis d’un rêve d’enfant, joli trapio, un fond de caste, qui poussent au cheval et se reprennent au troisième tiers, la gueule fermée, tardos mais avec du jeu ; les trois derniers, à la robe noire, superbes, le 4 encasté, le 5 noble, le 6 un toro de grande classe aux cornes cependant suspectes ; la banda Chicuelo et Rudy en grande forme sous leur auvent de canisses.

L’arène est quasiment pleine pour accueillir la belle terna du jour, en dépit du Mistral qui souffle en rafales lors du paseo : ça fait plaisir !

Fandino dans son habit étain et or de Madrid, tout en densité virile, se battra contre le vent devant un bel adversaire à la charge courte, sérieux et centré avant de se jeter entre les cornes de belle manière. Plus serein sur le suivant, dans une faena sans grande fioriture mais rythmée et dans le sitio. Il est vrai que les fioritures ne lui réussissent guère , ses manoletinas finales en témoignent.

Paco Urena est la figure du torero intemporel. On aurait pu le voir dans l’arène il y a des siècles. Sa manière est celle d’un poète anonyme ; seule sa versification compte, délicate et classique, transparente comme l’eau vive sous les ombrages ; fragile comme du papier de soie. Un torero sans physique, sans âge, sans faits de gloire hors l’arène, sans anecdote buzzante : c’est l’anti-Morante ! Grand temple et grande allure sur son premier avant un désastre à l’épée. Très bonne moitié de faena sur le suivant qui hélas s’éteint vite. Très beau geste à l’épée, cependant en arrière. Le torero sort de l’arène aussi triste qu’il y était entré, la mine basse, les épaules voutées, portant tout le poids du monde sur son bel habit de lumières.

Thomas Joubert n’a pas l’air bien gai non plus, mais ce garçon a une distinction naturelle étrange, en piste comme dans son toreo : une raideur dans le maintien, très droit, très vertical, très haut, une ombre d’aristocratie anglaise, très « landed gentry », associée à un relâchement, imperceptible et affecté, d’une grande puissance suggestive. Il fallait le voir à la barrière, quand ses compagnons de cartels toréaient, les regarder, droit et impassible comme un colonel anglais attendant sa main de bridge, les avant-bras abandonnés à la talanquera, le poignet cassé, les mains suspendues au-dessus du ruedo en un prolongement d’une grâce infinie. On songeait aux danseuses balinaises.

Cette impression n’était guère trompeuse ce jour… Que arte et quelle distinction ! Au premier, dans des rafales de vent, il est parvenu à lier trois passes souveraines de dessin, de temple et de lenteur mais c’est la fin, par naturelles de face après replacement à petits pas, qui était inouïe de présence dans le sitio, de toreria et de grâce. Il pinche dans la consternation générale et plutôt que de reprendre aussitôt l’épée, il sert à nouveau un bouquet de naturelles de face. L’arôme n’a cependant pas suffi à armer son bras. Pluie de pinchazos.

La faena sur le second, un toro de grande classe, sera d’une même eau mais plus complète. Plus centré, plus abandonné en cours de faena, illuminée par de beaux changements de main et des enchaînements sans rien concéder à son adversaire. Sans doute, Thomas torée encore trop peu : il a plus d’allure que de vrai dominio. Epée après pinchazo. Deux oreilles et vuelta al toro méritées.

On sort content….