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Séville, Feria d’avril 2009

par Avr 27, 2009Corrida 2009

Séville, jeudi 23 avril 2009, mano a mano Morante de la Puebla/ Le Cid devant des Victorino.

L’ami Michel raconte avec gourmandise la genèse d’une telle affiche. Morante aurait l’hiver dernier téléphoné au Cid pour lui proposer de combattre en mano a mano des Victorino durant la feria de Séville et un dîner pour en discuter. Le Cid, étonné de voir l’inégal et précieux Morante souhaiter se confronter à lui, le plus grand spécialiste de cet élevage, mais, au fond, simple, modeste et sans façon n’a, à cette heure, qu’une contrariété : comment s’habiller pour ce repas avec un tel dandy ? Il consulte sa femme qui, soucieuse, convient en effet qu’il faudra faire un effort. L’histoire ne dit rien du choix vestimentaire finalement opéré, mais le conteur laisse imaginer que c’est un Cid très endimanché qui voit arriver à sa table un Morante…. enveloppé dans un long manteau de fourrure blanc, bébé phoques ou renard de Sibérie. Un à zéro pour l’excentrique, toujours à hauteur de sa réputation. A cet égard.

La corrida du jour, plus qu’attendue, nous laissera sur ce score, et le plus taurin de l’après-midi sera l’histoire des ces préparatifs tant les Victorino, de quatre ans à peine, donneront peu de jeu, faibles pour la plupart, très économisés à la pique, s’épuisant ou s’effondrant dès le début des faenas. Après ceux d’Arles, déjà si décevants de fade noblesse, l’année 2009 ne s’annonce pas bien pour Victorino.

C’est un peu la même chose pour le Cid qui, comme à Arles, rode dans le ruedo sans ressource ni inspiration.

Et la Maestranza sera un peu goguenarde après le premier combat de Morante, semblant se moquer d’elle-même, de l’attente si peu rationnelle de son torero sur une telle affiche.

Quatre véroniques et une demie sur le troisième, noble et de longue charge à gauche, Morante chargeant la suerte, pesant sur le toro, l’épaule accompagnant le mouvement, tireront cependant des olés gutturaux et vengeurs à la foule qui entend à cet instant maudire le sort que le premier exemplaire de Galapagar avait réservé à son fils préféré et les doutes qui l’avaient alors assaillie.

Le quatrième sera de loin le plus beau de trapio avec des cornes en pointes et se révélera très noble dans la cape toute de douceur du Cid, avec deux véroniques lentes, et deux demies en remate avant que le torero ne dessine, pour l’amener au cheval, deux passes du tablier, sur la pointe des pieds, efféminées et baroques, un peu à la manière d’Ortega Cano.

Morante, voyant ce qui s’offre à son compétiteur, vient presque en courant profiter de la charge au quitte. Ce geste subreptice de voleur ne plaît guère au public qui siffle. “Pas comme ça. Ici, tout doit être bonnes manières. Et la, Morante, tu as manqué au code”.

La faena du Cid avec de beaux gestes à gauche manque de lié, le toro sortant de la passe la tête haute. C’est pas mal mais ce n’est pas ça.Epée. Applaudissements chaleureux, comme on rassure un convalescent.

Le meilleur vient aussitôt après, à la sortie du cinquième, que Morante embarque d’emblée dans un capote magique, attirant la bête sans jamais la frôler, la cape glissant sur le sable à distance des cornes, dans un geste lent et fleuri, les bords du tissu dessinant des volutes souples et aériennes telles les fumerolles de la lampe d’Aladin. Cette cape, en ces mains, devient illusion de tapis volant.Cinq, six, peut-être sept véroniques de songe comme je n’en ai jamais vues d’aussi belles, douces, enveloppantes, apprivoisant la charge du toro et qui déclenchent la musique dans un tumulte de olés, le public debout pour saluer le mage.

Au quitte deux passes du tablier, bien plus belles que celles du Cid sur son précédent adversaire. Le Cid, piqué, revient au centre et en dessine deux autres, très lentes. C’est très beau, mais, au fond, le public veut Morante.

A la muleta, passes aidées par le haut et par le bas de bel effet, puis plus rien.

Le sixième, très laid, sera remplacé par un tueur intoréable qui parvient à blesser le Cid, sans gravité. Voilà. C’est fini. Quelle déception mais quel capote!!!!!

Séville, vendredi 24 avril 2009, El Toreon- Ponce, Manzanares et Daniel Luque

Toros sans allure, mansos, et faibles pour la plupart, dépourvus de caste pour une corrida de banderilleros : Juan José Trujillo sur le deux et Curro Javier sur le cinq -qui salua-, tous deux de la cuadrilla de Manzanares, Curro Robles de celle de Luque qui salua en musique sur le six après être allé le défier dans sa querencia dont l’autre ne voulait pas bouger, ayant donné au tercio sur cet impossible toute sa saveur et le meilleur de la corrida.

L’entame de faena de Ponce à son premier fut un véritable festival, la série de derechazos qui suit un peu en dessous, mais avec des “ bien”murmurés par l’arène, qui réserve son enthousiasme -toujours avecPonce- mais souhaite manifester qu’elle est sensible à ses efforts de buen toreo. Hélas, cela ne va pas durer et c’est une sourde réprobation qui accompagne, durant la série suivante, le pas en arrière de replacement entre les passes. C’en est fini de l’attente sévillanne. Le toro se décomposera à gauche et quelques sifflets accompagnent Ponce à la barrière. Un peu pareil au suivant, une belle série à droite, templée et la main basse puis des difficultés de replacement devant un toro à la tête violente, à demi charge et compliqué. Mort dans l’indifférence.

Manzanares baisse aussi la main -lui, incroyablement- et parvient à allonger la charge âpre de la bête. Il dessine trois naturelles valeureuses et se heurte -lui aussi- à la forte réprobation du conclave quand il interrompt en changeant de mains pour le pecho ; il comprend sa méprise, reprend à gauche, la Maestranza l’aidant à construire la suite de la faena. Au final très en dessous de son manso con casta, violent mais qui boit le tissu. Séville pas mécontente de son élève, l’applaudit chaleureusement, paraissant penser : “Il est jeune mais il comprend vite et avec un tel poignet, s’il suit mes conseils, cela devrait aller”. La Maestranza sera également très patiente avec le torero sur le cinq, où il n’a pourtant ni le sitio ni la distance. Il tirera deux derechazos et un pecho de classe. Ici, s’agissant de lui, ça suffit!

Séville dispensera aussi ses leçons à Daniel Luque, le petit jeunot. Son premier, totalement décomposé à la fanea, ne lui permet rien, sauf la mort qu’il réussit impeccablement devant nous. Il aguante avec grand courage le sixième, toro difficile et violent. Le public lui demande de lier les passes et l’autre s’y applique, manquant aussitôt se faire accrocher. Mais il reste devant avec peu de recours si ce n’est du courage à revendre et une décision à l’épée qui lui vaut des applaudissements très nourris.

Eh bien voilà une corrida de peu qui partout ailleurs aurait distillé l’ennui. Ici, ce fut une leçon de tauromachie de la Maestranza à ses toreros.

Séville, samedi 25 avril 2009, Ventorillo qui donnent du jeu mais incommodes, pour Le Juli, Le Cid et Talavante

Le Juli, fort décidé, sera très torero face à son premier, violent, à charge courte, avisé, levant la tête en cours de passe. En deux séries, il parvient à allonger la charge au moins sur la droite. Avisé deux fois sur la gauche, il termine par de très puissantes trincheras en allers-retours avant une épée phénoménale qui lui vaut une oreille.

Le meilleur sur le quatre sera une passe de véronique très décomposée au quitte et un début de fanea, en manière de citation de la tauromachie de Talavante, droit comme un i pour cinq statuaires sans bouger d’un poil, conclues par une trinchera. Les séries de derechazos qui suivront, quasi parfaites, manqueront à mon goût d’un brin de liaison, un temps systématique de suspension après chaque passe émoussant l’émotion et les naturelles de profondeur avant que, dans un mouchoir et entre les cornes, Juli ne surjoue sa victorieuse domination devant un adversaire désormais complètement aplomado.Pinche trois fois avant de conclure. Vuelta très chaleureuse au torero qui n’a ouvert la Porte des Princes qu’une fois – en 99- sans avoir alors pu la franchir, blessé qu’il était.

Le Cid échoue sur son premier, qui a beaucoup de genio et balance la tête en encensoir, en dépit d’un début de faena commencée au centre mais finie à reculons. Le cinquième- en réalité le réserve après sortie du cinq- sera le meilleur de l’après-midi, accueilli au centre avec décision, cité de loin, embarqué dans des derechazos puissants.Le toro, hélas, fuit de l’autre côté de l’arène où le Cid nous régale d’une autre série de la même eau avant d’être un peu gêné par le vent sur la main gauche. On sent que ça peut, mais cela fait déjà beaucoup d’incidents (le changement non maîtrisé de terrain, le vent, les naturelles éparses). L’espérance est cependant encore là et le désir de triomphe du Cid tel que, se faisant accrocher la muleta, il plonge déraisonnablement dans les pattes du fauve pour la ramasser au plus vite. Cet instant d’aveuglement signe la nervosité du torero face à cet adversaire magnifique et sa défaite, tout allant a menos ensuite.Belle épée. Oreille réclamée en vain. Le Cid triste d’une tristesse que l’octroi d’un pavillon n’aurait pas même étanchée, tant, comme nous, il savait…

Talavante a été supérieur devant le troisième qui, après des débuts hésitants dans le ruedo s’est révélé très mobile te fort noble à la muleta. Talavante l’amène au centre et à partir de cet instant, c’est une main basse, abandonnée le long d’un corps relâché, qui donne le tempo à un toro qui vient et revient sans cesse au moindre mouvement de muleta, d’une souplesse inouïe, comme un souffle au pied du maestro et lui au centre de toute chose, ponctuant chaque série de passes basses, du mépris, trincheras, kirikiki par le bas, sans jamais consentir un pecho qui aurait éloigné le toro alors qu’il le fallait au plus près, venant et revenant autour du torero, toujours droit, toujours vertical, comme un point fixe au milieu d’arabesques, encore prolongées par un changement de main dans le dos offrant cette fois des naturelles suaves. La scène est de théâtre, un rideau lourd qu’un vent léger viendrait taquiner, un effleurement d’étoffe, une circulation d’air, une bise, le zéphyr qui accompagne les anges mutins sur un tableau de Raphaël. Et puis la fin, d’une épée fulgurante d’effet immédiat. Deux oreilles, un peu généreuses pour ce toreo plus éthéré que profond.

Le 6, veleto et astifino, ne permettait rien. Talavante abrège. Sifflets à l’arrastre.

Séville, dimanche 26 avril 2009, Jandilla pour Finito de Cordoba, Morante de la Puebla et Sébastien Castella

Pluie tout le matin, temps variable durant la course avec de grandes trouées d’un soleil brûlant.

Plein de toros refusés par les vétérinaires. En définitive, sortent un premier gras, sans corne et flageolant dès la troisième passe de cape, un deuxième, vieux, massif, pas beau (565kgs) mais qui pousse avec force, un troisième, qui prend mal la pique et tombe pour mourir dès la première passe de muleta par le bas, le quatre pas mal, avec caste et qui débordera Finito, un cinq convenable mais pas très piqué et un six (590 kgs)qui vient avec force mais s’épuise tout aussitôt en querencia.
Finito apathique et en échec sur son second, sans doute le meilleur de la course. Dessine cependant quelques naturelles templées mais de loin.

Castella manque de chance, son premier adversaire meurt seul dès le début de faena. Statuaires de la casa sur son second avant qu’il ne se colle aux planches pour ne plus en bouger.

Morante tire son épingle du jeu, trincheras et aidées par le bas à son premier, puis deux séries de la droite très appuyées et avec temple qui vident son adversaire. Ovation dont Morante croie à tort qu’elle l’autorise à venir saluer à la barrière. La Maestranza, moqueuse, a tôt fait de le rappeler à l’ordre. Ouste!

Le combat sur le cinq est plus intéressant, Morante bien dans ses zapatillas, dessine des passes aidées par le haut en engageant complètement le corps et gagnant du terrain. Une série de derechazos liée, templée, suivie d’une autre souveraine avant de se faire un peu balader à gauche, non sans distiller quelques détails de la casa. Une oreille pour sa volonté. Pour moi, le plus beau de Morante, à la cape encore, deux chicuelinas, la première surtout, décomposée, savoureuse, sur le cinq.