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Feria de Nîmes, Pentecôte 2017

par Juin 8, 2017Corrida 2017

Nîmes, 2 juin 2017- Rafaelillo, Escribano, Roman/La Quinta

Ce lot disparate de toros gris, aux armures inégales, la plupart à la mansedumbre prononcée nous aura déçus. Le premier est faible ; le troisième déambule dans le ruedo en marquant des signes manifestes d’ennui, ne consentant à se laisser citer que parce qu’il faut bien faire le job, et le faisant avec la pénible indolence d’un guichetier de la poste (pardon…) ; le dernier s’attardant de longs instants sur la montera du torero, à l’envers sur le sable, la remettant du museau à l’endroit comme une gentille ménagère replace ses bibelots sur les étagères, contemplant l’ouvrage, se ravisant, hop ! d’un coup de mufle reconstituant l’état initial des choses : Regente, c’est son nom, est un maniaque indécis.

Les toreros du jour n’ont il est vrai rien arrangé… Car tous ces toros se sont laissé combattre gueule fermée et trois d’entre eux offraient une faena possible. Or, nous n’en aurons vu qu’une, celle d’Escribano sur le 2ème , le meilleur du lot, bravote à la pique et d’une belle noblesse en dépit d’une charge erratique et changeante qui fut le lot de ce lot.

Le 4ème méritait beaucoup mieux que la faena qui lui fut servie par Rafaelillo, dans un jour de toreo braillard, périphérique, superficiel et vulgaire, à mille lieux de ce que nous avions vu l’année passée à Béziers et qui nous avait laissé espérer une miraculeuse mutation, à maturité, de ce torero modeste, sans chichis et valeureux. Rafaelillo a ce jour bradé ces espérances.

Quant au jeune Roman, passons sur le 3ème, fort laid, haut sur pattes, un vrai rat – c’était le toro déambulateur !- mais l’échec sur le dernier était d’un grand pénible. A l’exception des doblones d’entame, de belle allure, centrés et très templés, le jeune torero n’a cessé de reculer sur tous les terrains où son adversaire l’a contraint de l’affronter. Et c’est un toro entier et vif qu’il dut tuer non sans s’être fait charger en fin de faena dans un galop de tercio de banderilles depuis le centre de la piste, quand il se dirigerait vers la talanquera pour changer d’épée. La messe était dite.

Restait donc Escribano. Jolie faena, templée à droite, rythmée, aux passes d’entame de séries variées – ici un molinete, là une passe de les flores– de beaux changements de main, un desprecio souverain, où le torero a pu mettre à profit la charge de son adversaire en faisant son affaire d’une corne un peu chercheuse en fin de passe. Molinetes pour finir avec une épée de bel engagement mais un peu en arrière qui ne le prive pas d’une oreille de consolation.

Escribano n’a jamais été « mon » torero. Mais il a été grièvement blessé l’an passé au moment même où les portes s’ouvraient à lui après son inattendu triomphe de Séville. Fémorale et saphène arrachées par la corne, testicules éviscérés. Plusieurs interventions chirurgicales et des mois de rééducation plus tard, on le voyait, en fin de saison, convalescent dans le burladero, amaigri et charmant, s’accrochant à son rêve de retour auquel nul ne croyait guère. Il est revenu en début d’année. Il est là ce jour.

Comme un irradié aux grands malheurs. Un irradié à la mort de trop près.

L’irradiation, c’est un peu de mort en soi, mais toujours beaucoup dans le regard des autres. On ne la mesure pas, on la sent. Et ce qui est terrible, c’est qu’elle obsède. Et qu’on s’en protège comme d’un pestiféré.

Manuel ce jour ne sourit plus comme naguère, il n’a plus le cœur à l’étincelance. Au physique, toujours élégant, il a beaucoup perdu en force et en puissance. On avait un peu honte de frémir pour lui en voyant le toro le poursuivre jusqu’à la talanquera après les banderilles, mais on ne pouvait s’en empêcher, jusqu’à cette troisième paire souveraine, un quiebro al violin près des barrières, en signe de vengeresse et rassurante résurrection. Il offre ce toro au public et le regard s’embue un peu. Escribano torée avec une gravité nouvelle, une intensité et une profondeur que nous ne lui connaissions pas, parce que désormais il torée pour lui plus que pour nous. Et c’est très bien ainsi.

Voilà pourquoi nous sommes à mille lieues de lui en vouloir de n’avoir pas trouvé la faena sur son second, un toro qui n’humilie ni à droite ni à gauche et qui balance ses cornes à mi-hauteur. Repose-toi un peu Manuel. Tu le mérites bien. Ce que tu as fait, revenu de l’enfer, sur le second était suffisamment saisissant pour qu’on te sache à nouveau en bonne place parmi nous. Suerte maestro !

Nîmes, 3 juin 2017- Curro Diaz, Juli, Lopez Simon/ Garcigrande ou à peu près

Meteociel n’est plus ce qu’il était. La pluie était annoncée pour 8 heures du soir, mais le ciel côté Sommières, lui, ne mentait pas. Le temps de s’asseoir, d’attendre que passent les 10 minutes de retard pour cause d’affluence à l’entrée et soudain le ciel s’est éteint en un indigo profond, tirant sur le cendre, de toute beauté. Electricité et ambiance de fin du monde dans une arène bien remplie, joyeuse, prête à la fête, en dépit du drone de surveillance et du bruit infernal du moteur ou des pales d’hélicoptères qui surplombaient le ruedo. Il y a des moments comme ceux-là où l’intensité n’a plus cause ni repère. On l’on est entre ciel et terre. Avec cette curieuse impression d’aspiration de tout (lumière, bruits, odeurs, l’air qu’on respire), qui est le prologue des grands orages. Ou des grands triomphes.

Le triomphe, je ne vous en parlerai guère ce jour, car dès les premières gouttes je me suis précipité, sans trop de scrupules, au bar des arènes attendant que ça passe. Et ce n’est pas passé. Dommage ! Car les deux seuls toros que j’ai vus m’ont eu l’air sans faiblesse ni fadeur, allants, de bon jeu.

Curro Diaz, dans un bon jour, s’est tanqué dans le ruedo, solide comme un paratonnerre, cabré et la jambe en avant, servant ce toreo le coude près du corps, gorgé de toreria. Sur son premier, tout (sauf le vent) était d’un grand et je n’ai pas compris du tout pourquoi la musique n’avait pas accompagné cette faena précieuse.

De très belles choses sur le suivant, mais avec des hauts et des bas, moins de liaison, plus de petits pas en retrait. Un égrenage de naturelles au dessin somptueux mais en dépit des difficiles conditions du jour, une faena plus dispersée que la précédente face à un toro qui demandait à être dominé davantage. Ce torero a tant de personnalité, ce qu’il nous donne à voir est si différent, qu’on est cependant vite comblé. Faute de peser toujours, je le trouve quelquefois esthétisant à l’excès et ce jour, sur le quatrième, un peu pinturero.

Pour le reste, j’ai bu à votre santé.

Nîmes, dimanche 4 juin, matin- Ponce, Javier Jimenez, Roca Rey/ Victoriano del Rio

La grosse chaleur tue toujours un peu les corridas. Et un dernier toro altère souvent l’impression d’ensemble. Grosse chaleur ce jour et, ce jour, le très beau et sans doute mieux présenté toro du lot, est arrivé complètement éteint au troisième tercio. Tu imagines les discussions affligées à la sortie.

Alors on aura vite fait de maudire un lot médiocre qui n’a pas permis le triomphe…. Et il n’y aura rien de plus faux. Ce lot m’a régalé. Très intéressant pour l’aficionado. Sans signes manifestes de faiblesse, mobile, la plupart châtiés à la pique, y allant avec gaz et puissance (2 et 6) poussant avec un peu de bravoure (3, 5), avec du jeu et une charge quelquefois âpre qui demande à être polie, allongée, apaisée, ce que ni Ponce en dépit d’une bonne volonté sur son premier ni Roca Rey ne parviendront à faire tout à fait.

Le lot de Javier Jimenez était miraculeux de noblesse, le premier certes innocent mais inlassable, le quatrième de grand jeu. Ma voisine de rang me dit « Tu le donnes à Ponce, il lui fait faire le chandelier… ». Mais Ponce n’est pas tombé sur celui-là mais sur un autre, tardo après avoir été excessivement châtié à la pique, à demi-charge, la tête en encensoir, il est vrai tout à fait à contre-style. On a vu mille fois Ponce insister sur ce type de tio et parvenir à nous épater. Il était dans un jour à ne pas insister. Soit.

Mais son premier combat, inachevé, m’a beaucoup plu. Voilà un toro qui passe à droite et mal à gauche. Enrique le tient, après avoir rectifié tout ce qui devait l’être à droite et, sur sa quatrième série, lui sert sa tauromachie faussement relâchée, fluide, jouant du pico comme Vasarely du cercle, élégante et distanciée, plus décorative que profonde. Passe à gauche, nada. Insiste, ça va mieux. Reprend la droite et donne trois redondos interminables puis se relâche pour de vrai, sert une trinchera de cartel, l’arène s’enflamme, « Caridad del Guadalquivir » nous transporte, il tient son triomphe. Et c’est là, soudain, qu’Enrique est grand ! Tout autre serait resté sur le côté du succès, des applaudissements et des « olés ». Pas Enrique, qui a encore quelque chose à régler, une insatisfaction intime, un rien à se prouver : cette résistance de son adversaire sur la corne gauche, cette charge encore retenue alors que celle de l’autre rive est désormais d’eau pure. Alors il reprend la main gauche mais rien n’y fait.

Ce que j’aime ? Ce souci du travail bien fait au risque des récompenses. Cet orgueilleux entêtement de l’artisan. Vous savez, celui qui s’obstine sur un détail qui le contrarie, quand, nous, le détail nous importe peu et qu’on est impatient de repartir l’ouvrage sous le bras, tel qu’il est et nous convient ainsi. Sans doute un peu vintage cette persévérance de l’artiste, mais une vraie leçon de choses (oreille un peu dépourvue de sens après beaucoup d’approximations à l’épée).

Roca Rey s’est beaucoup exposé dans un quite sur son premier toro, brave à la pique, vif, à la charge puissante et âpre. Tafaleras, farol, gaoneras. Plus impressionnant que joli d’exécution. Et je l’ai trouvé appliqué et un peu impuissant à la muleta, se faisant désarmer trois fois. Ce toro était loin d’être intoréable. La difficulté à lui trouver une faena ne faisait que confirmer l’absolue et pénible étanchéité entre les deux circuits (les corridas dures et les autres) qui minent l’aficion.

C’était la confirmation d’alternative du fils d’Espartinas. Une première faena sympathique devant un adversaire anovillado, anodin et innocent de noblesse. Plus consistante quoique terriblement parallèle sur le suivant, l’allonge de bras et le temple faisant son succès devant un très bon toro de deux oreilles qu’il aguante en fin de faena par porfia entre les cornes avant de jeter les armes comme si la messe était dite. Pour l’heure, il est vrai, ce jeune Javier est un aimable torero de dimanche matin. Ca tombe bien !

Nîmes, dimanche 4 juin , après-midi – solo de Juan Bautista/ La Quinta, Parlade, Jandilla, Pedraza de Yeltes, Carmen Lorenzo, Garcigrande

Décider d’un « seul contre six », c’est, pour un torero, « vouloir se mettre la pression » comme disent les jeunes. Alors, quand on sait celle d’un après-midi ordinaire où l’on n’en combat que deux, on se dit que quelque chose ne tourne pas rond…. Affronter six toros est défi physique, psychologique, technique et artistique ; le pari déraisonnable, vaniteux ou désespéré, d’un torero qui cherche à convaincre de son cartel ou à éviter une dépréciation qui menace.

La corrida ayant peu de choses en commun avec le récital d’un soliste, généralement épargné de la présence à ses côtés d’une bête à cornes de 500 kilos, une encerrona est toujours aléatoire et le spectacle fréquemment décevant. Sauf pour les proches et le cercle étroit des admirateurs-quoiqu’il-en-coûte, qui partagent,  non sans sincérité mais à bon compte, l’attente et les tourments  de « leur » vedette, comme si leur honneur ou leur vista en dépendaient.

On retiendra de celui de Juan Bautista, les arènes quasiment pleines, un beau costume dessiné par Lacroix mais une chemise rose et une cravate verte qui jurent, et une interminable corrida (3 heures) où rien ne se passe comme espéré. Ajoutez à cela que José Tomas a tué le genre par excès d’excellence un jour de septembre 2012 et vous aurez la tonalité douce-amère de l’après-midi. La Porte des consuls bradée par une présidence sans discernement n’a fait illusion ni pour le torero ni pour les aficionados.

Le Parlade, toro fort médiocre, le merveilleux Perdarza de Yeltes qui a dû être changé après blessure en piste et remplacé par un frère moins avenant, et deux Gracigrande successifs (le premier changé le second terriblement soso) ont plombé la corrida.

Que retenir ?

Une très belle faena devant le très bon toro de La Quinta, surtout la première moitié où Jean Bautista pèse sur son adversaire avant de se relâcher main basse et de conclure par un recibir en plein centre du ruedo (2 oreilles, la seconde généreuse).

La vista de Juan Bautista à la vue de son piquero qui se fait littéralement éjecté de sa monture lors de la première rencontre avec le Jandilla ; qui, comprenant l’allant et la puissance de la charge de son adversaire, demande au piquero d’aller citer le toro depuis la présidence, le toro à 30 mètres, le Sandoval junior faisant les cent pas sous le placo en appelant la charge, le torero assis à l’estribo pour contempler le spectacle et les deux rencontres de toute beauté, la pique baissée à juridiction, vite relâchée pour ménager les forces, devant un public que la beauté du tercio soudain exalte.

Un descabello de macho, virilité et colère mêlés, sur le Pedraza de Yeltes après un combat incertain, le torero tendu et immobile dans une attitude de cartel.

Le combat le plus inouï devant le Carmen Lorenzo, manso perdido qui dès la sortie de la passe se réfugie aux barrières, que Juan Bautista va chercher et chercher encore pour un trasteo d’immense technique face à un adversaire récalcitrant puissant et dangereux. Juan Bautista à son meilleur, quasiment indépassable dans un tel registre parmi les toreros vedettes. On se bat avec lui, on rugit avec lui, et on admire soudain le torero de chez nous qui oublie enfin la pression de ce solo pour se donner tout entier à ce combat singulier qui aurait mérité une oreille si la mort avait été plus prompte.

Le brindis du Jandilla au fils de Nimeno II, assis au premier rang. Et la frustration de la faena qui suit sans que l’on en devine les causes profondes. La longue charge de ce toro ne pouvait-elle être mise à profit à la muleta ? Les tercios de piques et de banderilles ont-ils été trop exigeants  pour cet adversaire ? La musique «  Mission » badigeonnait le tout d’une grande mélancolie triste, genre le début de la fin. Mais on n’en était alors qu’au troisième… L’impression ne dut pas être générale : l’étourdi président en a abandonné ses deux mouchoirs blancs, à la surprise de tous.

Des épées, le geste sûr, beaucoup d’allure.

Et un étrange sentiment d’amère solitude du torero pendant presque toute la corrida.

Nîmes, lundi 5 juin – David Mora, Paco Urena, José Garrido/ Jandilla, Vegahermosa

Coïtus interruptus

Putain, tu vois, ça commençait zarbi. Le public flottait dans les arènes comme dans un costume trop grand. On les zavait pour nous tout seuls, les arènes. Sûr ! Tous ces bancs et gradins vides, tu croyais une carcasse où y a rien à ronger. Les zotres y se plaignaient. Pas moi. T’es peinard dans une cave du quartier où y a rien… T’es pas dérangé. Entre nous, tu vois ! On nété vraiment entre nous. Ou zétaient les zotres ? M’en tamponne mon pote. A la plage les boloss, dans le vent à bouffer du sable, avec les touristes . C’est à pas croire. Sauf le pèze peut-être. J’enseir.

Moi, je savais que ça allait porter chance. La choune mon pote. Et m’étais pas trompé !

Bonne tu vois. Elle était bonne. Vraiment très bonne même. Sur les six, y avait trois que t’en rêves même pas au hebs. Et que ça te cherche au galop, putain, infatigable, direct gaz plein pot, que ça tourne et ça retourne, ça joue avec toi, peur de rien, ça vient et ça revient, presque ça te fatigue tellement c’est trop. Un régal. Tu vois, ça te fait tellement tourner la tête, que même avec son 06 t’oses pas rappeler tout de suite.

Y zont commencé avec le bogoss. Pas le mieux servi tu vois le gars, mais qui assure comme une tebêt. Genre ‘tival de Cannes, le mec, jamais trop près du truc mais le geste, tu vois, le geste. Elégant comme y disent. Armani au carré. Qui sent un peu le parfum mais que c’est pour tricher car ce qu’il fait c’est du musc. Et la main basse tu vois. Basse mais pas baladeuse. Tu sens que le keum, il est sûr qu’il va pécho. Faut dire avec la gueule qu’il a, y a pas de mal, pas de mérite. Il a commencé en premier, tout doux, faisant l’innocent, genre demande en mariage, mais c’est sur l’autre qu’il a flashé, alors là c’était beau tu vois, qu’il fait la valse lente et la valse lente que je te fais tourner la tête et basculer le cœur, que le sang il se retourne en sens inverse. Dommage l’autre il fatigue tu vois, tient pas la distance, il s’épuise tellement il a suivi de la tête et des yeux. Tu crois que ça finit comme un kebab-boudin mais c’est là qu’il est géant. Il t’enfile soudain une épée comaç que tu la vois pas venir. Moi, y a pas à dire, ce Mora je le kiffe.

Puis y a eu l’Urena. Qui porte bien son nom, tout en membres, comme une araignée tout en pattes. Qu’il avance tout lent et tout sec, que tu le calcules même pas et hop que tu comprends qu’il a fait sa toile. Chelou le type, il a un charisme de poignée de porte, mais il te balance la cuisse comm !e un costaud et il te fait la hagra. Il a mis minable le premier mais avec la manière, le keum ! Toujours pareil, tu le vois pas arriver, timide qu’il a l’air, et que ça prend son temps, et que ça prend ses aises ; tu fais pas gaffe mais il s’installe et à la fin, lui aussi il te donne le tournis et il gagne souvent par KO debout. Fallait le voir à la fin, les bras levés, les mains en l’air, les doigts crispés. Comme s’il avait pris le jus ! Electrisé qu’il était. Se prenait pour le ciel. Au suivant, c’est l’autre qui se prenait pour le ciel, pas lui. Tu sentais au début qu’il prenait son pied, l’araignée, en le faisant passer tout près. Et que je balance les épaules en arrière, et que je m’affiche bogoss, et que je mets le menton en fermeture éclair comme si faisait trop froid au passage et que je fais ma muscu et les élongations pour suivre le mouvement. Pas mal tu vois, mais ça faiblit après, c’est le toro qui fait tout, qui est partout, et l’araignée qui fait semblant mais qui se laisse balader. Il se reprend après, fait le beau à nouveau, un peu dans les cornes comme s’il avait gagné. Mais toi en vrai tu sais qui c’est cui qui a gagné.

Le troisième, il est genre petit frère qui te cherche les poux parce qu’il veut plus faire le chouff. Tu crois qu’il va tout bouffer le gosse. Peur de rien. Prêt à tout. Tu me crois tu me crois pas. Il lui sort un engin, mais un engin ! Du «Go Fast » de luxe tu vois. Et késifé ? A genoux, au centre, et il le provoque. Le quetru le plus beau de l’après-midi, tu vois, et de loin. Veut tout bouffer et tout le monde y croit. Mais l’est jeune, alors ça fait un peu pschitt. Pas mal tu vois, mais vit’fait en vrai. Il prend le dernier, une Audi de luxe aussi. Se mouche pas dans du pq le keum ! Serais lui, surveillerais ma meuf…. Et là il te fait le gendarme bien droit à sa barrière, la lève à la demande, et une fois, et deux fois, et trois fois que ça passe en trombe quand il lève le bras et lui il bouge pas. Sur ma mère, après ça n’a pas fait pschitt. Ca titille, ça enveloppe, ça emballe, ça la joue relâché, limite méprisant, comme s’il en avait rien à cirer, genre qui calcule rien mais en fait qui calcule, tu vois. A chaque instant, tu sens que le petit il a raison, que c’est normal que le chouff il en ait son compte, qu’il lui faut autre chose. Tu te régales rien qu’à le voir et c’est pas pour dire du mal mais tu vois bien lui que c’est pas une poignée de porte. C’est un putain de petit coffre qu’y a rien que des diams dedans mais que l’a pas toujours le code sur lui. Là, pour sûr, il l’a le code. Et c’est là que c’est arrivé.

Quand il allait juste ouvrir le coffre, avec son épée. Tout le monde, il était content et se disait il va nous faire montrer. Et c’est là que le président, il a sorti un mouchoir orange. Tu vois la couleur déjà, chelou. Rien de bon on se disait. On m’a dit que c’est la couleur qui dit qu’on tue pas le toro tellement il est bon. Moi ça m’allait. Pour sûr une Audi ! Ca c’est de l’affaire, le bon truc tu vois. Bon en même temps j’ai vite fait à réfléchir dans ma tête que des Audi comac y en avait bien eu trois en tout dans l’après-midi et pourquoi celle-là plutôt que les deux autres ? Ca je sais pas. Mais le président pour sûr il savait. Alors, bon, le keum au volant il a eu l’air surpris, calcule s’il accélère ou doit descendre les mains sur la tête pour montrer ses papiers. Déjà il a l’air un peu con. Déjà un problème, tu vois, et d’un ! Mais c’est que tout autour de moi, les darons zavaient pas l’air de bien aimer l’orange, la couleur quoi. Rouge qu’ils étaient à s’égosiller à te gâcher le spectacle. « La hagra » qu’il disait, « C’est la hagra sur Nîmes». Et d’agiter les bras et de s’égosiller et d’insulter sa mère comme même moi je pas. Alors j’ai pas compris du tout, tu vois. J’avais tout suivi, mais qu’on te gâche le spectacle comac, le président avec son mouchoir et les gros boloss qui ont applaudi tout le long mais sont pas contents à la fin, qui disent que la corrida c’est mieux quand le toro il est mort, qu’autrement c’est plus la corrida, qui disent que c’est haram au maximum, qu’ils en ont marre de se faire rotca. Qui hurlent comme un cochon qu’on lui coupe les couilles vivant. Tu vois.

Et c’est quand je calculais dans ma tête en sortant pourquoi tout avait été gâché par les arènes trop véner qu’un toro qui m’a régalé puisse vivre un peu plus, que j’ai entendu un daron qui disait à un autre : « C’est inouï, cette réaction du public. Ce toro gracié était bien meilleur que tant d’autres qui l’ont été sans tonitruante polémique, meilleur en tout cas que celui de José Tomas pour son solo. L’indulto n’est qu’un prétexte. Ce qui se jouait venait d’ailleurs. En ces temps de frigidité taurine, ce qui est proprement insupportable, c’est le coïtus interruptus. Ne pas pouvoir jouir de cette petite mort symbolique qui nous rappelle la verdeur de nos jeunes années d’aficionado. Parce qu’on sait qu’elles ne sont plus »

Pas tout compris, mais j’aime bien « coïtus interruptus », ça m’a l’air hallal…