Sélectionner une page

Malaga, Août 2009

par Août 24, 2009Corrida 2009

Malaga, mardi 18 août 2009, toros de Joselito rechazados, six Juan Pedro Domeq les remplacent, pour Aparicio, Conde et Morante.

La presse du lendemain fera la fine bouche à propos des toros que j’ai, pour ma part, trouvés plutôt bien présentés (500 à 562 kgs), avec certes des signes de faiblesse (le 1 et le 4 surtout qui se couchera aux pieds d’Aparicio) mais de bravoure aussi (le 2 et le 3) et une possibilité de jeu qu’offre la caste (le 2 encore, le 5 que Condé, blessé en cours de corrida, toréera en 6 et le 6 toréé en cinquième position par Morante).

Très chaud et une arène pleine qui s’évente jusqu’à la deuxième galerie. Toreros encostumés d’arte avec passementeries noires. Réapparition de Morante après une blessure qui l’a tenu éloigné des ruedos pendant quinze jours, très applaudi après le paseo et qui vient saluer, toujours un peu affecté, avec les deux autres.

Aparicio se sent en confiance et, devant son joli premier aux cornes cependant courtes, sert un toreo de ceinture, à mi-distance, d’une grande aisance. Une série de derechazos templés, très élégants, et deux naturelles interminables, de grande lenteur, ponctuées d’un trincherazo soudain et venimeux suffisent à son oficio, hélas conclu d’un bajonazo qui nous ramène sur terre…. Le quatrième sort faible, le public proteste, Aparicio, indifférent, regarde depuis la barrière le toro s’effondrer.

Conde sera débordé par son premier, qui manque de force mais non de puissance après avoir pris deux piques avec classe, davantage soutenu par son moral que par ses pattes. La puissance démobilise d’abord le torero qui comprend vite cependant le parti qu’il peut en tirer à gauche. Et ce parti, il le prend en dessinant trois naturelles sur lesquelles il pèse beaucoup puis une trinchera dominatrice. C’en est trop pour le fauve qui se défend désormais de ce côté. Fin de la première séquence. La seconde sera droitière -après un long intermède…- la main très basse, les derechazos très toréés mais les séries sans terminaison. Le toro met à profit cette absence de conclusion et de dominio et s’en va en querencia vers les tablas où Javier se trouve en échec. Des gestes mais un torero très en dessous de son adversaire. Epée basse et Condé légèrement blessé à la cheville.

Un Condé de la même eau sur le six, le plus joli de présentation de la course (toro d’estampe andalouse de 500 kgs), vif et à la charge âpre. Le plus saillant : le toro qui vient sur Condé en train de saluer, lequel, la montera en main, torée de la gauche, et se libère de la charge inattendue par une trinchera, le corps en oblique sur la bête, puis, en cours de faena, deux séries de derechazos allurés, les pieds bien en terre, les jambes écartées. Javier s’applique mais ne pèse pas suffisamment sur son toro qui fait la passe à gauche plus qu’il n’est dirigé. Ici encore en dessous de son toro.

Morante aura été tout l’après-midi un fort digne convalescent!  Une véronique de grande lenteur, le tissu jeté vers l’avant puis comme aspirant le fauve, dans une passe toute de sollicitude et de volupté se détache de son premier, qui lutte par deux fois contre le piquero, très applaudi, en poussant très fort, l’un et l’autre -le piquero sans doute plus qu’il ne le fallait… Très jolie entame, Morante se tenant de trois quarts, à mi-distance, les pieds joints, puis, plus rien, du fait du puyazo.

L’art sera pour le six, toréé en cinquième position du fait de l’indisponibilité passagère de Condé. Parones très dessinés et deux demies, l’ultime à mourir dans un soupir d’étoffe qui se dérobe. Toro violent à la pique mais avec du jeu à la muleta. Le maestro cite au centre pour des aidées par le haut, appuyées, presque exagérées, flamencas. Deux séries de derechazos de grand temple, quelque fois la muleta légèrement accrochée sur la fin, avant une autre, celle-ci souveraine, liée à un kirikiki de grande clarté – ce qui serait presque un oxymore tant cette passe est le plus souvent d’exécution confuse. Mais c’est la main gauche qui va mettre le feu, une série, deux séries, trois séries ?  Qu’importe. La musique joue et la foule hurle sa joie. Le torero est concentré, sûr de son fait, de son art et du duende qui irrigue son poignet. Une fin de faena un ton en dessous et une épée al encuentro avec mort lente, très lente du fauve qui lutte. Une oreille pour le Sévillan.

Malaga, jeudi 20 août 2009, toros d’El Pilar pour Sergio Sanchez, José Tomas et Luis Bolivar

Grande corrida ternie, ô combien, par la blessure de Luis Bolivar sur le troisième (550kgs), de charge âpre, très châtié en trois rencontres et qui avait avisé le torero dès les passes de réception à la cape. La Malagueta, tirée du songe qui précédait par la dangerosité du fauve qu’affronte Bolivar, retient son souffle, sidérée par l’aguante du torero qui reste devant et se croise pour une série de derechazos puissants. Luis prend la main gauche mais ne terminera jamais la troisième passe naturelle, trop naturelle pour ce toro-là, auquel le torero se confiait autant qui le lui dictait son courage mais bien plus que ne le lui permettaient ses moyens. Bolivar est pris sauvagement, fiché entre les cornes, interminablement, tombe à terre ; le toro le piétine, s’arrête, le secoue encore ; le peonage accourt, éloigne le danger et transporte le torero à l’infirmerie. Triste comme un jour de fête qui vire au drame et qui laisse un goût de sel dans la bouche. Sergio Sanchez, desconfiado, doit terminer le trasteo. Mete y saca, trois ou quatre épées.

Sergio Sanchez remplaçait Le Fundi. Je ne l’avais jamais vu. De Valladolid je crois, ce torero a le temple castillan, un toreo sans fioriture, tantôt de ceinture tantôt de main basse, un toreo d’un autre temps, sans vanité ni artifice, tout d’orgueil de pierre sèche. De temps en temps, il lève légèrement le pied de sa jambe arrière, s’étirant pour citer son adversaire, seule fantaisie qu’il consent au paraître. La raideur du maintien et son temple font contraste : une saveur de temps lointains s’en dégage.

Sur son premier toro, les séries droitières seront de grande allure, comme ses pechos où le temple ne cesse pas. Plus marginal à gauche. Le toro baisse de ton. Son second, que Sergio SANCHEZ toréera en cinquième, gros (592kgs), très en cornes, pousse avec force et puissance en deux puyazos dont il prend le second avec classe. Le torero, au centre du ruedo, sert des aidées très templées, puis une série de derechazos, les jambes écartées, où le toro fait l’avion. Derechazos encore, toujours templés puis une main gauche qui, comme sur son premier, ne pèse pas suffisamment. Des passes en rond, les premières très templées, videront le toro de son gaz, lequel finira aplomado et étouffé par le maestro. La démonstration n’est évidemment pas complète mais comment dire le plaisir à voir servies tant de passes templées, cadensées, ralenties, où le bâton de la muleta est tenu à l’oblique en milieu de passe, donnant une intensité à la faena qui se fait si rare en France. Et à découvrir un inattendu torero qui ne paraît rechercher que cela, ne savoir faire que cela, templer. Cela ou rien, tant pis, mais Dieu que c’est saisissant!

Et José Tomas? On ne sait ce qui est le plus impressionnant de sa présence (il sort tout de suite en piste et affronte le toro sans barguigner), de son poder (en quatre véroniques d’emblée dessinées et une demie, il s’impose au toro, et choisit son terrain), de sa vista (aux quites par parones, il remate avec force pour éviter que son toro, querencioso, n’aille aux tablas, il évitera pour la même raison la passe du pecho, préférant conclure les séries par des passes par le bas qui laissent le fauve à ses pieds) ou de son souci de construction d’une faena dont rien n’est laissé au hasard et moins encore à l’initiative de son adversaire…

Son premier de 573 kgs, bien présenté, est d’emblée dominé par des véroniques puissantes et deux demies qui mettent la plaza en ébullition. Quites par parones attentifs et contraignants ( le remate…). Faena construite par trincheras et passes par le bas qui amènent le fauve des tablas au centre sans aucune scorie. Série de derechazos conclue d’un trincherazo. Entame par autre trinchera, liée aux derechazos avec changement de main et passes par le bas en aller retour avant autre série souveraine de la droite. En dépit de cette domination sans faille, le toro parvient à s’échapper vers les tablas. Tomas va le chercher et le ramène aux medios par naturelles, le reprend à droite puis le ramène vers les tablas (c’est moi qui commande) par manoletinas serrées. Pinchazo, puis entière al encuentro. Oreille.

On sort de tant de perfection comme d’un songe. Et les tendidos chantent au passage du maestro, qui a trente quatre ans ce jour, “Cumpleano feliz” jusqu’à ce que la banda de musique joue à son tour ce “Joyeux anniversaire” que l’arène reprend, cette fois-ci tout entière, en un hommage affectueux et un peu incongru pour celui qu’ici on traite en demi-dieu.

Le palco annoncera, après la blessure de Luis Bolivar et la mort de son toro (le 3ème de la course), que notre demi-dieu se propose de combattre le toro restant de son compagnon de cartel blessé qui aurait dû, normalement, revenir au chef de lidia. On est heureux, un peu gêné, certains applaudissent, d’autres sont intrigués, tous surpris tant Tomas a la réputation de ne pas faire de cadeaux à quiconque et moins encore aux empresas (sûr de lui et de remplir les arènes, il est cher voire hors de prix, refuse les corridas télévisées, et comme tant d’autres figuras ne veut jamais être chef de lidia, ni troisième, etc…).

Le quatrième de 533 kgs est fuyard, andarin, prend mal ses deux piques, pose moult difficultés aux banderilles. A la muleta, Tomas l’amène au centre par aidées par le haut, alternées de passes basses et trincheras, l’y laisse, le reprend par séries de derachezos aux terminaisons inattendues, trincheras, kirikiki, etc. A gauche, le toro le voit, suspend sa course, mais Tomas, immobile, l’aguante, suspend la passe sans bouger, le cite à nouveau pour reprendre la passe interrompue, le “mande” à mort. Que se passe -t-il après? Je ne sais plus, plus pris de notes. Ce que je sais en revanche, c’est que Tomas va dérouler, pour finir, l’exact inverse du début, le revers de son entame, en amenant le toro du centre d’où il n’avait jamais cessé d’être aux tablas par aidées de ceinture alternées de passes par le bas et trincheras.

Voilà, c’est fait, un trasteo puissant, lumineux et construit, dans le seul terrain où le torero avait décidé d’être avec ce toro qui était sorti si mal, avait si mal pris les piques, andarin difficile à banderiller et qui fut tué d’une entière après une scène de dominio sans férir. Deux oreilles et une pareille vuelta qu’au premier.

Pas grand chose à retenir du sixième, très faible en dépit ou à cause de ces 587 kgs. Un trasteo luxueux d’infirmière. Si, une chose cependant : des véroniques de réception un genou en terre, depuis les tablas jusqu’au centre, lentes et dessinées, et une demie puissante, toujours un genou en terre, au centre exact du ruedo. Autre chose aussi : le quite par véroniques de cinq passes et une demie après la pique, sobres et altières, pour donner le change au baroque de réception.

Tomas en dépit de ses deux triomphes, et de ses trois toros, sortira humblement par la porte des cuadrillas, par respect pour son compagnon blessé.

Et nous, des arènes, abasourdis de toute l’évidence de cette manière de toréer.

Malaga, vendredi 21 août 2009, corrida mixte Mendoza, Ponce, Matias Tejela avec des Samuel ou L. Flores

Un vieux toro, laid de 555 kgs, aux cornes puissantes, qui prendra trois grosses piques sans façon pour un Ponce, en méforme, qui entame par doblones un genou fléchi, se fait crocheter la muleta, laisse fuir son toro à forte querencia vers les tablas où il se trouvera contraint de le toréer, tirant de ce meuble quelques passes de profil et deux pechos sublimes. Une demi-épée d’effet fulgurant et un public reconnaissant aux efforts (?) déployés devant ce gros décasté, qui réclame l’oreille et ne l’obtiendra pas.

Son second, de 600 kilos, n’est guère plus avenant, prendra quatre piques en se défendant violemment de la tête, la quatrième après les clarines. Ponce, assez curieusement, l’offre. Une entame aisée avec un changement de main supérieur puis le torero se laisse balader autour du ruedo par ce boeuf de labour. Comme si cela ne suffisait pas au naufrage, Ponce est lamentable à la mort. Silence gêné. (Mais il retorée le lendemain, corrida non vue, mais les deux plus belles faenas de Ponce à Malaga déclame la presse)

Là où Ponce a échoué, Matias Tejela ne pouvait guère réussir. 557 kgs, deux piques mal prises, toro con genio avec tête chercheuse. Matias recule jusqu’à la barrière, prend l’épée et met fin au spectacle.

Rattrapage et plus cependant sur le dernier, 594 kgs, d’un joli trapio qui ne laisse pas deviner un tel poids, très armé. Capote aux mains basses du plus bel effet, chicuelinas marchées pour mettre en suerte, toro qui prend bien la première en poussant des reins, avec classe la seconde mais marquant alors quelques signes de fléchissement. Matias offre et déploie son temple, dans des séries hélas un peu lointaines, dépourvues de profondeur. Mais ce serait mentir que de négliger cette main si basse quand ça peut. Et cette main si basse est bien belle. “Quand ça peut”.

Antequera, samedi 22 août 2009, Jandilla sans cornes pour Morante, Juli et Le Cid en goyesque,

 Une impression étrange de corrida d’opérette avec fantasia et jeux de cirque dans le ruedo ( avant le paseo), jolis costumes, petits toros, tout à fait dépourvus de cornes, vilains donc mais avec un moral d’acier, luttant sous le fer comme jamais on ne voit, d’un jeu inlassable, débordant de la caste allègre des Jandilla d’antan mais émasculés,  ce qui nécessite une éprouvante opération intellectuelle de mise à l’échelle quand on regarde.

On se réjouit que Morante ait les mêmes gestes devant des toros sans cornes que devant les autres, pas plus, pas moins, les mêmes ; que le Cid, à la si morne saison, puisse se refaire la main, et on se demande ce que Juli vient faire ici. Mais comme en tauromachie tout arrive, précisément le Juli intéressera devant un ultra-violent, qui se retourne comme un chat, pousse plus que fort à la pique et sera tôt dominé par le torero qui sans complaisance ni affectation servira un jeu sérieux digne d’intérêt.

Des oreilles à la pelle bien sûr et une belle image : Le Cid, Juli et un subalterne font barrière de leur corps devant le cheval, qui venait d’être fort secoué, pour priver le torito nerveux de toute distraction pendant les passes de quite de Morante.

Malaga, dimanche 23 août 2009, toros de Luis Algarra pour Espla (despedida), Javier Condé et Cayetano

Joli paseo devant une arène aux trois quarts pleine qui exige que les toreros saluent en  dernier hommage à Espla, lequel y associe ses deux compagnons de cartel. A la fin, les deux jeunes gens, bien élevés, traverseront le ruedo en entourant le vétéran, puis, à quelques mètres de la porte des cuadrillas, le laisseront quitter seul l’arène, se tenant quelques pas en arrière, en marque de respect pour ce torero qui se retire.

Voilà longtemps que je n’avais plus vu Espla. Sa petite taille et sa calvitie me surprennent. Il se tient droit, très droit, sans doute pour ces deux raisons et pour une autre, elle, que je n’avais pas oublié : sa toreria.

Chef de lidia attentif et quelque fois cérémonieux, banderillero habile, tantôt mutin, tantôt goguenard, muletero technicien qui a en suffisamment vu pour ne plus s’illusionner ni sur les toros ni sur le public ni sur son art, Espla en impose par sa manière d’être dans l’arène, celle d’un artisan qui connaît le métier, sans forfanterie ni fioriture. Le personnage qu’il se compose, étranger à l’hyperbole et au songe, aux images romanesques et au charme du duende, se résume tout entier en une parfaite connaissance du toro au service d’une tauromachie désacralisée. Il reste, et depuis plus de trente ans, celui qui combat les bêtes que le sort lui réserve dans toutes les arènes d’Espagne, de France et d’ailleurs, admiré de Madrid, apprécié des publics torista et sachant consentir quelques clins d’oeil aux autres, mais sans façon ni vanité. On le dit artiste – mais alors en peinture, art qu’il affectionne- , intelligent et cultivé. On l’a vu mille fois dodeliner de la tête face à l’adversité, comme si on ne la lui faisait pas, sans se démonter jamais et retournant à l’ouvrage en prenant le public à témoin. Et pour avoir vu des scènes de ce genre dix fois, vingt fois, peut-être plus, on aime Espla qui nous dit que la corrida est un fichu métier.

Son second toro sort plus que faible et le public sollicite le changement dès la première pique où il s’affale. Espla résiste et, face à la foule contraire, fait signe qu’il entend planter les banderilles…sans musique. Première paire : Espla souhaite fixer le toro a cuerpo limpio, court en cercle autour de la bête, le bras tendu entre ses cornes pour en ralentir la charge, mais le peonage s’en mêle, qui doute du réalisme du maître, à la grande fureur de celui qui se trouve ainsi privé de la prouesse espérée. Deuxième paire, et même doute du peonage sur l’aptitude torera. Un quite subreptice et hop le toro est fixé! Espla, excédé, arrache une nouvelle paire de bâtons qu’il plante dans un por dentro serré avant de tenter une nouvelle fois de fixer le toro. Le peonage, qui parait préférer un licenciement pour faute à la mort du patron, intervient à nouveau. Espla, humilié par ces quites, qui sont autant de réserves manifestes sur ses capacités et d’objections publiques à son commandement, sollicite la pose d’une quatrième paire que la présidence, amusée comme l’arène, n’a pas le mauvais goût de lui refuser. Cette fois, le peonage se rend, comme nous tous. Et Espla, a cuerpo limpio, arrête l’animal face à une arène folle de joie du triomphe du torero sur son âge et de l’obstiné combat qu’il a entendu mener jusqu’à son terme contre le regard des autres, le plus lourd des fardeaux.

Espla, un air de majordome de grande maison, et qui en connaît tous les secrets, goûte la versatilité de la foule. La présidente chipotera pourtant l’oreille que cette ultime facétie à la Malagueta méritait bien.

Javier Condé distillera sur son premier des derechazos si espacés qu’on ne sait plus s’ils forment encore une série. La musique sera protestée et lui, tour-à-tour, concentré, déconcerté, les regards vers les gradins, composant la figure, narcissique et mauvais.

L’entame sur le cinquième sera d’une autre eau. Véroniquant assis sur l’estribo puis se levant pour dessiner cinq ou six passes pleine de toreria et d’inspiration, Javier achève par…. trois…. demi-véroniques, comme ne se lassant jamais d’une conclusion que la beauté du moment diffère toujours. L’arène rugit de plaisir.  A la muleta, le pire et le meilleur. Du style mais des passes manquant de liant ; des séries se concluant trop vite ; il perd la main quand le toro en fin de faena s’avise. Fuit, apeuré, puis revient vers la bête, bravache. Ange et Tartarin à la fois. Une épée entière dans le rincon lui vaut une oreille. Il fait la vuelta à l’andalouse, étirant le moment, s’arrêtant devant chaque tendido, renvoyant éventails, gourdes, stylos, écharpes et sombreros, souriant à l’avenant, saluant des visages connus, s’autorisant même, comme durant la faena, des pas en arrière. Ce n’est plus un torero fêté, c’est Pénélope qui lanterne! Dix minutes plus tard, le tour est enfin fini….

Un Ramon Serrado de 538 kgs pour Cayetano, petit toro indigne qui rode dans le ruedo sans puissance, très piqué à la seconde rencontre cependant. Le début de faena avec passes aidées par le haut et passes par le bas, très douces et très templées est d’une grande beauté, comme la série qui suit de derechazos qui met l’eau à la bouche du respectable mais épuise définitivement l’adversaire. Une demie bien placée. Silencio.

Mais c’est le sixième, un Luis Alagarra, juste de trapio mais très en tête et qui sort avec beaucoup de présence et de jus qui offrira au torero du jour l’occasion de déployer son toreo de main droite. Entame par quatre derechazos très toréés un genou en terre, liés au pecho, suivies par deux séries phénoménales de cadence, de temple et d’aguante quand le toro interrompt soudain sa course et que, sans bouger, Cayetano, toque la muleta et pèse sur l’animal dont il aimante la charge, le tremblement de tissu l’accompagnant dans un pecho interminable et valeureux. A la série suivante, un changement de main par le bas, d’un effet somptueux, et ce sont les naturelles où le toro se réserve. L’homme mande à mort mais avec succès puis le toro, à la seconde série à gauche, s’épuise. C’est fini. Non, pas tout à fait, le rêve reprend, une ultime série avant la mort, d’aidées par le haut où la charge est tenue, alternant avec des passes par le bas suaves. Une oreille et très forte pétition de la seconde pour une des plus belles oeuvres de muleta du cycle, hélas précocement interrompue du fait du toro.